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La semaine en 4 jours

La DRFIP du 69 vient de diffuser, au grand galop, aux chefs de services (avant tout échange avec les représentant·e·s des personnels) des sondages posant la question à chaque agent (plus ou moins adroitement) s’il souhaite participer à cette expérimentation, avec obligation de réponse avant le 16 avril au soir.

Une note de service de la direction générale accompagne cette proposition d’expression des agents, qui est, pour le moins, (volontairement ?) floue. Cette note préconise en préambule un dialogue social « constant et approfondi ». Notre conception de la constance et de l’approfondissement de ce « dialogue » n’étant pas exactement la même, nous avons adressé aujourd’hui ce message à notre directeur régional 

Qu’est-ce que la semaine « en » quatre jours ?

Aujourd’hui, la durée annuelle du travail se situe autour de 1 500 heures, alors qu’elle était d’environ
3 000 heures en 1840. Le temps de travail divisé par deux entre 1840 et aujourd’hui. Il y a donc bien un mouvement séculaire de réduction du temps de travail.

L’histoire du temps de travail est marquée par une série d’avancées et de retours en arrière. La loi de 1814 qui interdit le travail le dimanche est par exemple abolie en 1880, puis restaurée en 1906. Celle de 1936 sur les 40 heures sera suspendue par les décrets Reynaud de 1938, puis annulée par Vichy en 1941, pour être finalement restaurée en 1946. Plus récemment, les lois Aubry de 1998-2000 sur les 35 heures (36 heures dans la Fonction publique, toujours « privilégiée » !) ont été atténuées par la loi Fillon de janvier 2003. Aujourd’hui, on observe une tendance à l’augmentation de la durée du travail, non pas du fait des heures hebdomadaires, mais via le recul de l’âge du départ à la retraite : trois années de travail en plus (172 trimestres seront nécessaires pour une retraite à taux plein). C’est 4 836 heures de travail en plus, ce qui sur 43 annuités fait en moyenne 1h52 de plus par semaine par rapport à la retraite à taux plein à 60 ans avec 40 annuités de cotisation).

Le projet de semaine en quatre jours que veut déployer le ministre de la Fonction publique, sans toucher à la durée hebdomadaire ou annuelle du travail aboutira à des journées de travail de 9h38 pour le module horaire à 38 h30, 9 h15 pour le module à 37 h et 9 h03 pour le module à 36 h12. La revendication de la CGT du début du 20ᵉ siècle pour la journée de 8 heures se trouve donc très largement piétinée. C’est, de facto, un retour au 19 siècle que nous propose le gouvernement Macron/Attal/Guérini !

Quand la semaine de 4 jours est « mauvaise » !

Il y a semaine de 4 jours et semaine de 4 jours. La « bonne », c’est celle qui est prétexte à une réflexion sur le travail et une amélioration de son organisation, ce que réclame à cor et à cri la CGT dans toutes les instances. La « mauvaise », elle, consiste à faire en 4 jours exactement ce qu’on faisait avant en 5 : même nombre d’heures, même présentéisme, mêmes tâches inutiles… sur des journées de travail plus longues et éreintantes. Avec des journées pareilles, on n’a pas trop d’un jour de repos supplémentaire (certainement non choisi) pour s’en remettre ! Faire en quatre jours les heures qu’on faisait en cinq, c’est désormais possible, en Belgique par exemple. De nombreuses personnes s’en réjouissent quand même, parce que c’est bien agréable d’avoir trois jours « off ». Quand on est jeune, urbain, en bonne santé et sans enfant, c’est toujours bon à prendre. Mais cela n’a rien d’une révolution miraculeuse ! D’abord, ce n’est pas tout à fait un cadeau si le nombre d’heures, la charge de travail et la productivité sont inchangés. Ensuite, cela ne marche pas pour tout le monde : les parents solos, les aidants ou encore les personnes à la santé fragile ne peuvent pas assumer des journées de travail plus longues.

Si le travail est insupportable, même quatre jours, c’est toujours quatre jours de trop ! Ne gâchons pas cette occasion d’innover et de travailler mieux !

Donc pas de réduction du temps de travail, pas de dérogation à la durée maximale quotidienne du travail fixée par le Code du travail (encore heureux !) et pas d’augmentation des effectifs. Mais si vous avez un peu de temps libre, on pourra étendre les horaires d’ouverture au public.

Que dit la note de la direction générale relative à l’expérimentation :

a) Les principes directeurs régissant la mise en oeuvre de la semaine de 4 jours n’induisent aucune modification des obligations liées au temps de travail, nie de répartition des emplois et des effectifs :
 Le respect des 1607 heures annuelles prévues dans le décret n°2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la reduction du temps de travail dans la Fonction publique d’Etat, ne saurait être mis en cause par l’expérimentation ;
 Le respect des autres dispositions règlementaires applicables en matière de temps de travvail demeure intangible

Le ministre de la Fonction publique a tiré les enseignements de l’expérimentation à l’URSSAF de Picardie, qui n’a vu que trois agent·e·s sur un total de 200 être volontaires pour expérimenter la semaine « en quatre jours ». Le volontariat reste de rigueur mais la note reste très floue sur la méthodologie qu’elle est censée présenter :

On constate que l’administration prend soin de ses cadres puisque pour les collègues au forfait, seulement, il est mentionné la « préservation de rythmes soutenables pour les agents ».

Le recours au télétravail est plafonné à deux jours par semaine et « réduit à une journée télétravaillée par semaine si le fonctionnement du service l’impose ». C’est donc une remise en cause claire de l’accord sur le télétravail signé au niveau de la fonction publique.

Ce que la note ne dit pas :

– que le jour non travaillé par les agents a toutes les probabilités d’être flottant ou non choisi, dans la mesure où la volonté affirmée est une « ouverture accrue au public » (nous sommes curieux de savoir ce que sous-entend ce concept, tant c’est l’inverse que fait notre administration depuis des années…) ;
– il n’y a bien entendu aucun paragraphe sur la santé au travail des personnels dans leur ensemble (exception faite de la petite phrase sur les agents au forfait), alors que depuis 1936, c’est la semaine de 8 heures qui prévaut ;
– l’expérimentation portera-t-elle sur l’ensemble du service volontaire ou juste sur les collègues volontaires dans les services qui vont expérimenter ?
– aucune précision non plus sur le maintien des modules horaires existants et les ARTT qui y sont liées.

Article publié le 15 avril 2024.


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